Les risques de la marche
Cette page se fixe comme objectif d’identifier les principaux risques de la marche au long cours. Elle s’appuie sur l’expérience de notre président, Pierre-Louis Blaix, montagnard reconverti depuis plus de 10 ans à la marche à pied sur des parcours géographiques à travers l’Europe.
854 jours de marche au long cours entre 2011 et 2023, près de 28.000 km parcourus à l’occasion de 26 périples (> carte des périples), souvent sur les nombreux chemins de Compostelle européens (plus de 60 parcourus). Cette expérience permet de se faire une représentation statistique des risques d’accidents corporels liés à la marche.
Nota : il peut bien sûr y avoir une approche différente des risques suivant les personnes. Mais nous avons là un échantillon suffisamment vaste pour dégager avec sérieux les grandes tendances.
Nous laissons ci-dessous la plume à notre président.
Un premier enseignement
Marcher ne présente globalement pas beaucoup de risques d’accident pouvant porter atteinte à l’intégrité physique du marcheur. Ce n’est pas une raison pour négliger ces risques. Les identifier et en prendre pleinement conscience est la meilleure des préventions.
Les trois risques principaux sont développés ci-dessous par ordre de gravité perçue décroissante. Il s’agit de ma perception, j’essaie d’être le moins subjectif possible, mais bien sûr ce n’est pas une science exacte. D’autres marcheurs pourraient classer différemment ces risques.
Risque n° 1 : les chiens
En 28.000 km de marche, j’ai vécu à cinq reprises une attaque par des chiens. Je m’en suis chaque fois sorti sans être mordu mais je ne suis pas passé loin de la blessure. Une attaque tous les 6.000 km, le risque est faible et certain(e)s n’y seront peut-être jamais confronté(e)s, d’autant plus que les chiens errants dangereux sont rares sur les chemins de Compostelle les plus fréquentés.
Nota : une récente discussion avec un pèlerin fait état de 3 attaques en 7.000 km.
Sur les quatre attaques de chiens que j’ai vécues, à trois reprises il y avait deux chiens : deux boxers en 2016 en Andalucía près de Huelva • deux bergers allemands en 2013 sur la voie d’Arles • deux molosses sauvages en 2021 en Grèce (> 27 mai 2021) .
Il n’y a pas de recette miracle, une fois que l’on se retrouve attaqué, il faut dépenser une énergie phénoménale pour tenir à distance pendant de longues minutes le ou les chiens avec ses bras ou son bâton. Jusqu’à ce que les chiens se fatiguent… ou que le propriétaire apparaisse, en essayant parfois de culpabiliser le marcheur. Selon les pays et donc les habitudes des chiens, faire semblant de ramasser et lancer un caillou suffit à les éloigner.
Deux conseils :
1 – Si l’on entend ou aperçoit au loin un gros chien barrant notre chemin, il est judicieux d’envisager si possible un détour pour supprimer le risque.
2 – Si l’on a été attaqué devant des propriétés, encore plus sur un chemin répertorié (GR ou Compostelle), alerter la gendarmerie au 17 ou 112 (ou équivalent hors de France) en leur demandant d’intervenir. Il est strictement interdit de laisser divaguer des chiens, surtout s’ils sont gros et/ou mordeurs potentiels. Les gendarmes feront un rappel à la loi au propriétaire qui sera désormais obligé de ne plus laisser divaguer son chien. Les prochains marcheurs seront ainsi protégés. J’ai personnellement appelé les autorités à deux reprises, j’ai été bien écouté et pris au sérieux, je suis convaincu de l’efficacité de ces appels.
Risque n° 2 : les chutes
Sur l’ensemble de mes périples, j’ai chuté à trois reprises. Heureusement sans conséquence à part quelques égratignures, mais toujours avec une grosse peur rétrospective.
Je ne parle pas de petites chutes, souvent bénignes, par glissade vers l’arrière. Une chute dangereuse, c’est une chute en avant. Un pied bute sur une racine, une pierre ou un trottoir. On est souvent en fin de journée, un peu fatigué, notre vigilance baisse.
La chute en avant crée avec le poids du sac à dos une énergie si importante qu’il devient traumatisant de l’absorber avec les bras et les mains, en évitant surtout la tête.
Trois conseils :
1 – Certains diront qu’il faut marcher avec des bâtons. Je ne crois pas que les bâtons suppriment le risque de chute en avant. Et en cas de chute, les mains occupées avec des bâtons peuvent être moins disponibles pour amortir le choc. Marcher tout le temps avec des bâtons (sauf bien sûr douleurs ou handicap), c’est aussi perdre une partie de son équilibre naturel sur deux jambes. Personnellement je marche sans bâtons, j’aime trop la liberté que procure la marche sur deux jambes, sans artificialisation, sans bruit et avec les mains libres.
2 – Mes trois chutes en avant, c’était il y a longtemps (je touche du bois !). Connaître le risque, faire évoluer sa manière de marcher en faisant des pas rapides et courts en douceur, faire plus attention en fin de journée, voilà le meilleur moyen d’éviter une chute lourde de conséquence. > technique de marche au long cours
3 – Un sac à dos trop lourd augmente la fatigue et la violence d’une éventuelle chute en avant. Je marche avec un sac qui, bien qu’il contienne tout le nécessaire pour un chemin (y-compris bivouac hors hiver), ne dépasse jamais 6 à 7 kg. > conseils sac à dos
Risque n° 3 : les bagnoles
Ce risque est majeur, on peut facilement être tué si l’on est heurté par un véhicule, encore plus à grande vitesse. Le risque est tellement immense qu’il faut tout faire pour le neutraliser. C’est pour cette raison que je ne le mets qu’en numéro trois : un risque exclu mais sans jamais l’oublier.
Lorsqu’il n’y a pas d’autre solution que de marcher au bord d’une route circulante, il faut être extrêmement concentré, marcher à gauche de la route, si possible derrière une glissière de protection, ne jamais lâcher du regard les véhicules qui arrivent afin de pouvoir adopter la bonne attitude à tout moment : savoir s’arrêter • attendre un creux de circulation • balancer le bras droit vers le centre de la route pour que les véhicules se décalent.
Attention aux gros véhicules, camions ou bus dont la masse d’air déplacé peut nous déséquilibrer. Toujours préférer se projeter dans le bas-côté plutôt que d’être frôlé par des véhicules.
Une route trop dangereuse sans véritable alternative proche peut justifier de faire un petit bout de route en auto-stop ou en bus.
Un conseil important
1 – Lorsqu’on marche à gauche d’une route circulante, le risque le plus important vient parfois de derrière plutôt que devant. Il s’agit d’un véhicule rapide qui double en arrière du marcheur et qui le surprend en passant très près. On l’entend au dernier moment, ça fait vraiment peur. Une telle inconscience de certains conducteurs criminels pressés est malheureusement une réalité. Précautions supplémentaires pour éviter ce risque majeur : écouter (attention, le risque est plus grand si l’on n’entend pas bien) • regarder souvent derrière • s’arrêter lorsqu’il y a trop de trafic • se serrer encore plus à gauche • faire plus attention dans toutes les zones où le dépassement est autorisé.
D’autres risques ?
Parmi les autres risques, beaucoup plus faibles à mon avis d’un point de vue atteinte à l’intégrité physique, on peut citer :
> Cyclistes : le risque d’être heurté par un cycliste augmente avec la multiplication des vélos électriques qui roulent beaucoup trop vite, y-compris sur des chemins. Les cyclistes peu respectueux des marcheurs qui les gênent ne sont malheureusement pas rares.
> Santé : forme physique, fatigue intense, inflammations, tendinites, ampoules, piqûres d’insectes (sans oublier les tiques > risque de maladie de Lyme), coups de soleil. L’âge augmente également le risque santé en cas notamment de forte chaleur.
> Agression : les risques de se faire agresser ou voler par une personne malveillante sont très faibles en Europe. Ça ne m’est arrivé qu’une fois, mais dans des circonstances très particulières (voir nota ci-dessous). J’ai aussi été attaqué et volé plus sérieusement, mais c’était en Côte d’Ivoire, pays dangereux dès que l’on se trouve isolé.
Nous avons la chance de vivre sur un continent de paix. En tout cas, si un tel risque peut exister ponctuellement, il n’est pas plus fort pour le marcheur au long cours. Il est peut-être même plus faible car lorsqu’on est avec un sac à dos et une posture de pèlerin, marcheur ou routard, on inquiète plus qu’on attire.
Nota : il m’est arrivé d’être menacé du haut d’une maison par un monsieur avec un fusil. C’était près de l’entrée est du tunnel du Tracol (> tunnels sous la ligne A/M) sur la commune de Bourg-Argental. C’était si sérieux que j’ai appelé les gendarmes qui sont venus à ma rencontre. > 19/9/16
Punaises !
Je termine cette page par un risque non majeur mais que j’ai quand même rencontré à quatre reprises en près de 900 jours (et nuits !) de marche au long cours. Il s’agit des punaises de lit. Une fois en moyenne tous les 7 mois de marche, le risque reste faible.
> A deux reprises, quelques punaises seulement : Navarrenx (voie du Puy) • Llanes (camino del Norte).
> Une véritable invasion de punaises à deux reprises qui a nécessité un déménagement dans la nuit et toutes les précautions pour ne pas transporter des punaises : Larcevaux (avant Saint-Jean-Pied-de Port > 24/9/12) • Córdoba (camino Mozárabe > 15 mai 15).
Deux conseils :
1 – Il est possible de détecter la présence de punaises en prenant l’habitude d’inspecter minutieusement le lit qui nous est attribué : tâches brunes sur le matelas ou le drap, recoins du matelas, etc. Il devient plus facile de les détecter lorsqu’on a déjà vécu ce genre d’expérience pénible. Il ne faut pas non plus en faire une crainte permanente.
2 – En cas de découverte de punaises, il faut toujours en informer le propriétaire ou le gestionnaire du lieu. J’ai constaté, à l’occasion de mes deux invasions de punaises, que les responsables étaient dans le déni pour des mauvaises raisons financières : crainte de perte de réservations et de fermeture. Dans ce cas, il me semble utile d’alerter un autre niveau, par exemple une association jacquaire locale, afin que ce problème important (risque de transport de punaises vers d’autres gîtes) soit résolu durablement.